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Yvon Maier, le management par l’engagement : “On ne peut pas gravir de montagnes qui sont lisses.”

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Publié le
07/02/2024
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7min

Yvon Maier a débuté sa carrière à 22 ans, dirigeant 50 commerciaux et 5 managers, avant de gérer plus de 60 managers au fil de sa carrière. Chez papernest, il a mené l’expansion de l’équipe sales, la faisant passer de 10 à 180 membres en deux ans, dans 5 pays, multipliant le chiffres d'affaires par 15. Pendant le COVID-19, il a créé des modules de formation bi-mensuels pour ses managers, témoignant de son engagement pour le développement des compétences. Actuellement Head of Business Development chez Spendesk, il applique ses propres méthodes pour continuer à accroître la performance commerciale de ses équipes.

Devenir manager d’une équipe sales

À 22 ans, tu manageais une équipe de 50 commerciaux et 5 managers, comment as-tu fait ?

Quand j’ai démarré à 22 ans, j’ai travaillé en tant que vendeur pendant une semaine à Strasbourg. Au bout d’une semaine, on m’a proposé de remplacer au pied levé un manager qui partait. J’ai accepté. J’ai été amené à diriger une petite équipe, puis l’année suivante, j’avais 5 managers et une cinquantaine de sales dans mes équipes.

Pour être honnête, c’était assez catastrophique. J’avais 22 ans, une maturité à géométrie variable, un bagage technique quasi-inexistant, mais par contre, beaucoup d’envie, beaucoup de motivation. Malgré ce contexte difficile l’expérience m’a beaucoup plu. Elle m’a donné l’envie de progresser en tant que manager et par la suite, de faire progresser mes équipes.

En revenant sur cette période, je dirais que les débuts ont été très difficiles, mais avec un peu de résilience et d’inconscience, on arrive à des choses intéressantes.  J’étais quelqu’un qui fonctionnait beaucoup à l’intuition. J’avais une assez bonne lecture des personnes qui m’entouraient, mais j’étais déstructuré. Je pense qu’avoir accès à des clefs de lecture, des cadres, et des outils pour considérer un problème complexe dans son ensemble m’aurait beaucoup aidé dans l’appréhension du métier.

Une erreur assez classique qu'on fait notamment dans les organisations commerciales, c'est de penser qu'un top performer sera nécessairement un bon manager. On peut avoir les qualités requises pour être un bon commercial. Par contre, être capable derrière d'emmener une  équipe, de la faire progresser c'est un métier qui est très différent.

Je suis convaincu que lorsqu’on fait du management, en particulier lorsqu’il s’agit d’une équipe sales,  il faut être clivant. On ne peut pas gravir des montagnes qui sont lisses. L’aspérité fait partie de chacun de nos rapports humains et les gens ne retiennent que ce qui sort de l’ordinaire.

Comment te décrirais-tu en tant que manager ?

Je suis quelqu’un de très rouge (N.D.L.R en référence aux outils d’évaluation psychologique par les couleurs). C’est à dire que j’ai une communication particulièrement dominante, exigeante, qui attend des actions et des résultats immédiats.

D’ailleurs je vais être dans une recherche d'efficacité permanente. Cela peut dérouter beaucoup de personnes. Certains ont besoin de plus d'anticipation, de recherche de confort. Je pense que ce qui me décrit a contrario, c’est ma capacité à être impliqué dans beaucoup de projets en même temps, d’y mobiliser et emmener mes équipes.

J’essaye d’équilibrer ce naturel rouge avec un peu plus de bleu, parce que même s’il est important de plaire, de séduire, de convaincre lorsqu’on manage une équipe sales, il est aussi essentiel de d’avoir une approche globale et structurée, surtout lorsque l’on souhaite collaborer avec des profils mobilisés sur des tâches très complexes ou techniques. Je pense qu’il faut avoir plusieurs cordes à son arc pour être un bon manager, pour construire des relations de travail efficaces quelles que soient les situations.

Quel est ton unpopular opinion ?

Je suis convaincu que lorsqu’on fait du management, en particulier lorsqu’il s’agit d’une équipe sales,  il faut être clivant. On ne peut pas gravir des montagnes qui sont lisses. L’aspérité fait partie de chacun de nos rapports humains et les gens ne retiennent que ce qui sort de l’ordinaire. Dans le travail, je pense qu’on me déteste ou qu’on m’adore. Par contre, on me retient. Ce travail autour de l’émotion a aussi un impact dans notre environnement commercial, car c’est l’émotion qui connecte et qui permet d’engager des discussions intéressantes avec nos clients.

Ma seconde conviction, c’est qu’il faut gérer le recrutement comme on gère une organisation commerciale. On peut être le meilleur manager du monde, dans la meilleure entreprise du monde, sans les bons collaborateurs et les bonnes ressources, ça ne passe pas. De façon assez pragmatique, il faut avoir une approche mathématique du recrutement, chercher le maximum de candidats pour avoir accès aux meilleures recrues, travailler avec un taux de sélection extrêmement faible pour aller sélectionner les meilleurs pépites.

Faire progresser son équipe sales

Qu’attends-tu de tes équipes en tant que manager ?

Je suis un manager très chef de guerre, donc j'ai un niveau d’exigence et une recherche d'engagement qui sont extrêmement importants. Les efforts, la prise de responsabilité et d’initiative, l’indépendance sont autant de qualités que je veux que mes équipes intègrent. Le second point fondamental pour moi, c’est la capacité à recevoir des feedback et à se révéler dans des situations difficiles, en particulier lorsque les personnes sont talentueuses.

En retour, je souhaite que mes équipes prennent du plaisir à travailler avec moi et collectivement. Je pense qu’elles attendent aussi que je les challenge au quotidien et que je leur permette de progresser tout au long de leur activité, que je sois capable de prendre des décisions, de manier à la fois, la data, l’intuition, le business acumen, et ce dans un cadre qui va être galvanisant et qui va leur permettre de se reconnaître et de réaliser des choses qu’ils ne pensaient pas forcément possibles.

Est-ce que tu as un exemple de rituel que tu fais avec ton équipe?

J’accorde particulièrement d’importance aux team building, en particulier, dans un cadre assez extrême, je dirais même clivant. Ce qui m’intéresse, c’est de faire sortir l’équipe de sa zone de confort, partir en montagne, aller tenter des choses que 80% de l’équipe n’a pas réalisées.

Je me souviens d’un de nos derniers team building sur lequel j’avais emmené mes équipes. J’avais commencé un teasing une semaine avant le voyage, avec des messages, des informations diluées tous les jours. J’envoyais des photos des équipements que nous allions devoir utiliser, une combinaison gore tex, une polaire, une cagoule. À cet instant, l’équipe se demande forcément où je vais les emmener. Nous sommes en hiver et il fait jusqu’à -5° à Barcelone. Quelques jours plus tard, nous nous retrouvons en bas du bureau à la fin de la journée et nous embarquons dans un train qui nous emmène dans les montagnes. Nous commençons à marcher dans la forêt vers les hauteurs, nous sortons les frontales, et au bout d’une heure, nous les retirons pour terminer l’ascension en nocturne, au clair de lune.

“On dit que le diable se cache dans les détails. La vente est une somme de petits détails.”

Que retiens-tu de ton expérience de sales ?

On dit que le diable se cache dans les détails. La vente, en tout cas, est une somme de petits détails. Je me rappelle une vente que j’ai réalisée quand j’avais une vingtaine d’année. J’étais dans un amphithéâtre d’université. Je réalisais une vente directe devant un pannel de 150 étudiants. En amont de cette présentation, nous avions eu un très bon échange avec leur responsable pédagogique. Ce dernier est intervenu et a eu un rôle de prescripteur très important, qui nous a permis d’obtenir un taux de transformation assez extraordinaire.  En vente, la réussite se construit sur une somme de petites victoires.

Un autre élément qui m’a marqué se base plutôt sur les différences culturelles en matière de négociation. J’ai travaillé en Israël. Dans le business, les  Israéliens sont très directifs. Et plus un échange se passe mal entre un prospect et un vendeur, plus finalement, il  y a de l'intérêt de la part du prospect. Ce que je retiens de cette expérience et que j’applique en filigrane dans mon management pour faire progresser mes équipes, c’est que la dimension d’objection est essentielle. Souvent on la considère comme un obstacle à la vente, mais c’est à l’inverse une marque d’intérêt. Et en matière de vente, plus il y a d’intensité, plus on a de chance d’être dans un échange intéressant.

Dans une équipe commerciale, on retrouve ces marqueurs. L’intensité des échanges est souvent proportionnelle à l’intérêt des équipes et à leur niveau d’engagement.

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